Les êtres qui meurent jeunes
Texte de Bruno Edmond, écrivain
Les êtres qui meurent jeunes, pressentent-ils que leur vie sera brève ? Éric Dubuc est mort à 25 ans. En cette époque où telle une chose l’intimité est déballée, que tairons-nous, que dirons-nous de cette vie ?
Il y eut Paris où il naquit, vécut. Il y eut la petite enfance en Allemagne. Il y eut les deux langues, la double nationalité. Il y eut le tabac. Il y eut le jeu d’échec. Il y eut sa famille, dont les visages, reconnaissables ou masqués, de sa mère, sa sœur et son père, apparaissent fréquemment dans son œuvre. Il y eut une amitié avec deux personnes. Il y eut, un temps, lointains, aventureux, des voyages. Il y eut suite à ces voyages, la maladie, le paludisme. Il y eut, toujours, la lecture, les livres. Il y eut, le 10 septembre 1986, le suicide.
« Œuvre météore. » Ainsi, parfois, désigne-t-on l’œuvre de celles et de ceux ayant traversé la vie comme des flèches. Paradoxalement, dans le travail d’Éric Dubuc, existe une temporalité de la lenteur. On trouve, chez Samuel Beckett, cette possible définition de la création : « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. » Ces mots correspondent-ils à la façon dont Éric Dubuc travaillait, ce temps, cette attention avec lesquels il a peint la plupart de ses tableaux ? Ces espaces temporels, cette minutie, expliquent-ils pourquoi, de l’esquisse au dessin le plus élaboré, le décompte ne s’élève qu’à quelques centaines de feuilles et, du premier au dernier, à quelques dizaines de tableaux ?
La peinture d’Éric Dubuc, plus que figurative, est réaliste. Plus exactement : gavée de réalités. A travers le temps elle semble un prolongement très personnel de ce que fut, en Allemagne, la Nouvelle Objectivité. À la surface de la toile, du bois, du papier, la précision, la technicité quasi chirurgicale de son trait sont humanisées par l’humour noir, le grotesque, le croquis, le graffiti. Dans les profondeurs de cette œuvre au scalpel où résonnent les échos de son temps et du nôtre, circulent une attention pour les êtres, une tendresse secrète.
En dehors des toutes premières peintures, trois périodes caractérisent son travail. La période des Accidents de voitures, celle du Métro et celle des Bars. On y voit la ville, des visages et des êtres. Des objets, des véhicules, des machines, des chiens idiots.
A ces trois périodes s’ajoute celle, constante, essentielle, des autoportraits. Son ultime tableau étant, L’Autoportrait de profil. Ses deux derniers dessins, comme séparés du reste : Des vaches ; Un arbre.
Qu’ajouter, que dire de plus sur cette œuvre rare, expression singulière d’une vie picturale et graphique se déployant sur huit années ? Juste ceci. Découvrir et, assis, debout ou couché : regarder.
Préface du livre « Éric Dubuc »
publié aux Éditions du Héron. Texte de Yves Kobry, critique d’art
Lorsqu’on me demanda d’écrire cette préface, j’ignorais tout de l’artiste : son nom, son œuvre et… sa fin tragique. J’ai donc découvert en vrac et sans aucun a priori une œuvre étonnement fournie pour une tranche de vie aussi brève, où se mêlaient dessins, esquisses préparatoires et peintures abouties, et j’ai été immédiatement frappé par la force d’expression, la maîtrise, l’authenticité qui en émanaient.
Aussi pour moi présenter Éric Dubuc n’est pas faire faire un travail de deuil ou de mémoire, mais révéler un jeune artiste de grand talent, d’une surprenante précocité, dont l’œuvre essentielle qui tient en quatre ans, s’interrompt brusquement au moment où elle trouve son originalité et atteint sa plénitude. La tentation est forte de regarder et d’interpréter une œuvre aussi brève, dense, poignante, à la lumière ou plutôt à l’ombre du suicide. Ce serait à la fois une facilité et une erreur, même si on ne peut s’empêcher d’être frappé par la gravité, la nostalgie, la mélancolie qui imprègnent les dessins et la peinture.
Il s’agit avant tout du parcours solitaire d’un jeune homme farouchement indépendant qui affirme très tôt sa personnalité, indifférent aux effets de mode, étranger au divertissement, à la fois réfléchi et hypersensible, renfermé et révolté, qui dompte ses émotions par une précision et une rigueur qui étonnent et parfois effrayent.
L’art expressif, froid et distant d’Éric Dubuc peut paraître décalé, sinon anachronique chez un jeune artiste des années 80. Pour le comprendre, il faut se rappeler sa double culture, peut-être sa double identité, qui, d’emblée, le place à distance.
Né en 1961 à Paris d’un père français et d’une mère allemande, il passe les trois premières années de sa vie en Allemagne dont il apprend la langue qui sera donc à double titre sa langue maternelle. La famille revenue s’établir à Paris, Éric Dubuc reçoit une éducation française, mais le pôle germanique demeurera toujours présent, sinon prépondérant chez lui, à travers la littérature et la peinture qui façonneront son imaginaire et dont l’attraction sera peut-être d’autant plus forte que perçue de l’extérieur.
Toutefois il effectuera des séjours réguliers chez ses grands-parents à Mannheim où il découvrira dans les musées d’outre-Rhin les expressionnistes et les artistes de la Nouvelle Objectivité : Dix, Grosz, Beckmann qui paraissent si étranges et lointains à un jeune Français. Sa vocation artistique et son indépendance d’esprit s’affirment très tôt, favorisées par une scolarité à la Libre école Rudolf Steiner de Paris, jusqu’à l’âge de seize ans, dont la pédagogie est axée sur le développement de la sensibilité. Après ses études secondaires, il s’inscrit à l’École des beaux-arts qu’il ne fréquente qu’une seule année. Seuls les cours d’anatomie l’intéressent. Il découvre et se passionne pour les expériences menées au XIXe siècle par Duchenne de Boulogne qui se proposait de décrire et de classer « l’expression des passions » à travers les crispations musculaires du visage. Éric Dubuc poursuivra cette physionomie du psychisme dans ses nombreux et remarquables autoportraits qui sont autant de figures et de stations de la mélancolie dans un rendu sec et précis qui écarte toute compassion.
Alors que la plupart des jeunes artistes, du moins à cette époque, préfèrent la peinture qui autorise l’approximation et permet les effets, Éric Dubuc, épris d’exactitude, choisit le dessin, art de la rigueur, qui restera pour lui primordial. Sa peinture en est dérivée, fruit d’une lente élaboration.
Après les premiers tâtonnements tumultueux du côté de Van Gogh, il opte pour une manière dépouillée, stylisée, où la figure est allongée et la ligne sinueuse dans une veine expressionniste. Il sera un moment tenté, surtout dans ses portraits peints, par un « misérabilisme » à la Gruber (rendu linéaire, anguleux et heurté, palette sobre et éteinte) pour traduire la détresse et la souffrance. Pourtant il ne s’y attarde pas, conscient, sans doute, d’une certaine facilité émotive. Il trouvera véritablement son expression propre à partir de 1983 dans un style réaliste et distancié, à la fois expressif et précis. La période de formation (1981-1983) où il cherche sa voie sera scandée par des voyages lointains, solitaires et parfois périlleux. On retrouve ici la tradition germanique de la « Erziehungsreise » où le jeune artiste se forme et se découvre. Pour lui ce ne sera pas l’Italie classique mais l’Inde, le Népal, le Soudan, le Zaïre. Il n’est pas en quête d’exotisme (il ne rapporte aucun paysage de ses périples) mais d’aventures, d’expériences, poussé par la volonté de fuir le confort du monde occidental. Il sera confronté à la misère, à la violence, en ramènera le paludisme qui nécessitera son hospitalisation. Ce sera l’occasion d’une série d’autoportraits sombres où il se représente allongé sur son lit d’hôpital et où la souffrance sinon la détresse s’exprime avec une muette sobriété. Après quoi son œuvre va s’infléchir et s’intérioriser.
On trouve ici la figure éternelle du jeune homme révolté, mais aussi le désarroi typique d’une génération bercée dans son enfance par les récits utopiques des années 70, qui parvenue à l’âge adulte, est brusquement placée face aux réalités, au pragmatisme, voire au cynisme des années 80. Cette jeunesse qui s’est elle-même qualifiée de « génération perdue » a réagi de manière radicalement opposée. Les uns se sont jetés dans la recherche de l’argent, des honneurs, du pouvoir, les autres, les âmes sensibles, se sont trouvés en porte-à-faux et pour certains ont sombré dans la désespérance. Ce n’est sans doute pas un hasard si le jeune artiste a été influencé, fasciné même par la Nouvelle Objectivité, ce mouvement qui exprime la désillusion par une ironie glacée qui succède au lyrisme utopique de l’expressionnisme d’avant la Première guerre mondiale.
À presque un siècle de distance, Éric Dubuc a suivi le même itinéraire. Il renonce aux effets, domine ses émotions. Son inspiration s’est disciplinée, son regard s’est aiguisé, son trait est devenu rigoureux et précis. Il a lui-même tenté d’expliciter sa démarche dans une lettre : « J’aimerais essayer d’expliquer pourquoi j’en suis venu à un style plus réaliste. Je crois que le côté intimiste, que je veux éviter, est rompu par les angles et les droites. Je voudrais être le plus objectif possible c’est-à-dire montrer de façon claire un certain nombre d’éléments confus et compliqués qui m’entourent ».
Chacune de ses grandes toiles (quatre au total) est précédée de dessins où la composition et les personnages sont mis en place avec une grande précision.
Dans L’Accident (1984) le caractère dramatique de la scène est désamorcé par une manière burlesque qui fait songer à un cartoon : les voitures sont imaginaires, les façades tronquées des maisons ressemblent à un décor de théâtre, tandis que les badauds et les voisins semblent assister à un spectacle. Pas de pathos, pas de victime, pas de sang, même si l’un des conducteurs est montré en train d’être éjecté de son véhicule, sous le choc de la collision. Cette violence détachée se retrouve dans un dessin intitulé La Garde à vue exécuté en 1986, après une brève détention. Les détenus, personnages stylisés tout comme les matons, sont vus en retrait derrière une grille. Vision panoptique de l’incarcération, rendue en perspective centrale, comme sur un plateau de théâtre. Ici le lecteur de La Colonie pénitentiaire de Kafka rejoint le joueur d’échecs dans la restitution distanciée d’une scène réellement vécue. Car Éric Dubuc, cet être entier, révolté, romantique, est aussi un être réservé, secret, d’une extrême pudeur, qui ne confie jamais ses émotions même à ses proches, un être cérébral, grand amateur du jeu d’échecs auquel il consacre des nuits entières et un lecteur assidu. Influencé d’abord par Dostoïevski, il découvre ensuite Kafka et surtout Musil, L’Homme sans qualités devenant son livre de chevet. Rares sont ceux qui ont lu Musil, chez un jeune homme de 25 ans, voilà qui dénote une capacité de réflexion exceptionnelle. On peut s’imaginer sans peine qu’Éric se soit identifié à Ulrich analysant la société qui l’entoure avec une acuité et une ironie impitoyable que l’on retrouve dans ses derniers tableaux.
Dans Le Métro (1985) Éric Dubuc met en scène des êtres qui se côtoient, parfois s’épient, mais qui ne communiquent pas, enfermés en eux-mêmes et dans leur solitude. Des personnes d’âge, d’origine et de condition sociale différents qui forment un microcosme cosmopolite où règnent l’anonymat et l’indifférence. Il s’est lui-même représenté « anonymement » parmi les voyageurs, à peine reconnaissable tant il a banalisé ses propres traits. L’espace confiné du wagon de métro est curieusement élargi, presque dématérialisé, pour prendre l’aspect d’une coupe de vie, de société, à la manière dont pratiquerait un biologiste en plaçant une préparation sous la lentille d’un microscope. Quelques années auparavant, en 1981, le jeune artiste avait déjà réalisé un dessin à l’encre de Chine sur le thème du métro, vision resserrée où les voyageurs compressés arboraient des mines patibulaires. En l’espace de quatre ans, il est passé d’un expressionnisme cinglant à la froide neutralité de la Nouvelle Objectivité.
On retrouve ce même agrégat de solitudes, ce détachement factice dans une toile de très grand format intitulée L’Autoportrait au bar (1985) où l’artiste s’est représenté, mieux vaudrait dire inséré parmi les consommateurs anonymes venus là pour passer le temps ou s’oublier. La scène est vue en surplomb, à distance, comme perçue par un observateur éloigné ou l’œil d’une caméra cachée. Les personnages figés sont disposés dans un espace à la fois ouvert et fermé, rythmé par la verticalité des piliers et l’horizontalité du bar.
Le dernier autoportrait vertical, de grand format (1986) est aussi son chef-d’œuvre. L’artiste s’est représenté de profil, face à sa table de travail dans son studio des Gobelins. Il est assis sur un tabouret devant un bureau rangé mais vide, une main posée à plat, l’autre se tenant la tempe dans la position conventionnelle du mélancolique, le regard perdu fixant le mur invisible qui lui fait face.
Chaque détail est peint avec une méticuleuse, froide et égale précision, de telle sorte qu’aucun ne ressort. À première vue, pas de préférence, pas d’affect, le regard glacé d’un entomologiste, d’où ce climat étrange où le réalisme à force de précision et de neutralité prend une dimension magique.
Pourtant, à regarder le tableau de plus près, on découvre que le réel n’est pas anodin. Le paysage perçu à travers la fenêtre fermée laisse voir un bâtiment de style gothique tardif (le Château de la Reine Blanche) encadré par des immeubles de verre et d’acier des années 70 : raccourci architectural fortuit mais éloquent du monde de Dürer et de celui de la Nouvelle Objectivité.
Dans cette pièce où la fenêtre occupe pratiquement tout l’espace, on découvre à gauche un tableau de jeunesse de l’artiste où apparaît à la dérobée un personnage décharné et effrayant, tandis qu’à droite de la scène l’abat-jour de la lampe est tronqué et le regard du peintre fixe le néant. On le sait, dans chaque œuvre personnelle, authentique, par-delà la volonté de représentation, perce le non-dit, l’inconscient.
De la dernière œuvre qu’Éric Dubuc exécuta juste avant de se donner la mort, peut-être son plus beau dessin, émanent une solitude, une tristesse émouvante et pudique. Un arbre dépouillé, au tronc noueux et aux branches tourmentées, se dresse isolé, rendu avec une précision hallucinante qui rappelle Caspar David Friedrich. Puis le silence.
Une rencontre
Texte de Richard Taillefer
Le regard cherche le regard
mais nul n’écoute le silence des autres.
Dans la plaine, passent des trains
vides de tout voyage.
C’est à Paris, au 1er étage du Grand Palais, un soir de février 1986, à l’occasion du vernissage du 37e salon de la Jeune Peinture, que je fis la rencontre d’Éric Dubuc à travers une seule et grande toile, où dans le cadre solitaire d’un bistrot de quartier, il se représentait, une cigarette à la main, le corps faisant face au comptoir, le regard intérieurement figé sur on ne sait quel lieu provisoire, encore tout absorbé par quelques réflexions d’artiste ou, tout simplement, d’homme parmi les hommes.
Car si Éric Dubuc se peint, se dépeint presqu’à chaque fois comme un être isolé, toujours absent ; toujours ailleurs, anachroniquement, il nous surprend par sa minutie, son réalisme, par ce sens de l’observation avec lequel il nous renvoie nos propres doutes, nos propres interrogations, notre propre peur.
Logique implacable de cet inventaire anonyme de la vie urbaine où le peintre pointe son doigt sur la toile de fond pour nous avertir « de cette sensation, d’une terrible perception d’enfermement »
Pourtant, il demeure, qu’au-delà des apparences, c’est d’un amour désespéré, d’une tendresse généreuse qu’émerge avant tout l’ensemble de son œuvre.
Pour conclure, je ferai mienne cette citation d’Anthony Freestone : « La peinture de Dubuc était, elle est aussi une peinture de fin de siècle au sens où 1939 marque autant le fin d’un âge que 1999, une peinture de crise, d’un pessimisme insoutenable ».
Et je rajouterai d’une cruelle beauté plastique.
Underground
Texte de Anthony Freestone
Eric Dubuc et moi avions le même âge, nous sommes tous deux nés en 1961, et nous exposions nos travaux au milieu des années 80 au Salon de la Jeune Peinture.
Peu de temps après son inauguration, en 1977, je commençais à visiter régulièrement le Centre Pompidou. Je me souviens avoir été frappé par l’exposition de Gérard Fromanger Tout est allumé au début de l’année 19801 et, un an avant, en 1979, par l’exposition de Gérard Schlosser à la galerie Beaubourg2 qui m’avait donné envie d’être peintre. J’avais cherché à connaitre ce courant auquel Fromanger et Schlosser appartenaient. Il y avait peu de livres sur l’art contemporain à cette époque. La librairie du Centre Pompidou n’occupait qu’un espace réduit au fond du forum, là où, aujourd’hui3, se trouve le vestiaire. Il n’y avait guère pour s’informer que le livre de Jean Clair, L’Art en France4 ou le livre d’Anne Tronche5. On pouvait aussi trouver les catalogues des expositions Tendances de l’Art en France de l’ARC au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris6 ou, en cherchant un peu, le catalogue de l’exposition Mythologies Quotidiennes 2 à l’ARC en 19777. Le livre collectif paru chez Larousse, plus accessible au public, 25 ans d’Art en France 1960-858, n’était pas encore paru.
C’est en m’intéressant à la Nouvelle Figuration, que j’ai appris l’existence du Salon de la Jeune Peinture.
Je doute qu’Eric Dubuc ait éprouvé ce même intérêt pour la Figuration Narrative ou le Pop art : on ne le sent aucunement dans sa peinture. Une autre exposition au Centre Pompidou m’avait captivé à la même époque : Les Réalismes9, qui s’était tenue entre décembre 1980 et avril 81. On y voyait pour la première fois, en tout cas pour nous qui n’étions que de très jeunes peintres, les artistes de ces courants dits réalistes des années trente qui avaient été négligés par la lecture officielle de la modernité : hors Matisse et Picasso, point de salut. Bien que peintre, je suis de ceux qui préfèrent Duchamp à Matisse et Picasso, mais Duchamp m’était alors inconnu. Si je suis bien allé au Centre Pompidou en février 1977, je n’ai pas visité l’exposition inaugurale du cinquième étage à laquelle je n’aurais vraisemblablement rien compris10. Je sais pourtant que j’ai visité Beaubourg dès l’ouverture puisque j’avais été décontenancé par la rangée de chaussures de l’exposition présentée dans la forum11. L’un de mes premiers livres sur l’art moderne, écrit par Edward Lucie-Smith12, faisait l’impasse sur la Nouvelle Objectivité : Otto Dix n’était pas plus mentionné, que, pour les courants de la Metafisica ou du Realismo magico italiens, Giorgio de Chirico ou Felice Casorati. À l’exposition Les Réalismes, j’avais été particulièrement impressionné par les oeuvres de l’allemand Christian Schad et des italiens Felice Casorati et Cagnaccio di San Pietro dont le fantastique Doppo l’orgia était exposé13. Quelques années auparavant nous avions pu voir l’exposition Paris-Berlin dans ce même Centre Pompidou14. Lorsqu’on a vingt ans, les premières expositions visitées nous marquent.
Si, à la différence de la plupart des peintres de ma génération, j’ai aimé la Figuration Narrative, qui était la peinture figurative de la génération précédente15, il est probable qu’Eric Dubuc a été davantage marqué par la Figuration Libre apparue en France au début des années 80. Un tableau comme L’Accident, en montre l’influence. Eric Dubuc avait peut-être visité l’exposition Ateliers 81-82 à l’ARC16 qui comprenait les représentants de la « bad painting » française parmi lesquels Combas, Boisrond, Blanchard et Di Rosa. L’ARC les réunit à nouveau en 84 lors de l’exposition Figuration Libre, France USA17. À cette époque, même si on ne visitait pas les expositions d’art contemporain, il était impossible de ne pas connaître les noms de Combas et Di Rosa et de ne pas avoir vu, au moins sous forme photographique ou filmée, leur peinture tant leur présence médiatique était insistante. Le tableau L’Accident peint en 1984 est donc exactement contemporain de l’exposition de l’ARC et de l’apogée du mouvement.
Être peintre dans les années 80 était probablement plus facile que dans les années 90 où le médium faisait crisser des dents. Il n’empêche qu’il fallait, comme à chaque génération, se situer, choisir, c’est à dire se créer une généalogie et découvrir une spécificité.
Débuter en art, c’est souvent avant tout chercher à montrer son travail. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, le monde des arts visuels s’est considérablement modifié au début des années 80. Certains de ceux qui avaient regretté un désintérêt de l’état pour l’art contemporain depuis la mort de Georges Pompidou étaient arrivés au pouvoir18. Claude Mollard avait lancé les Fonds Régionaux d’Art Contemporain et développé les Centres d’Art en France. Pourtant, ces centres étaient encore peu ouverts aux jeunes créateurs de la toute nouvelle génération. Pendant ces années, 1985-90 se côtoyaient les anciennes formes telles le Salon de la Jeune Peinture19 et les nouveaux lieux appelés à se développer qu’étaient les FRAC et les Centres d’art. Il faut bien l’avouer, le Salon de la jeune Peinture n’était, dans les années 80, plus du tout, ce qu’il avait été dans les années 60-70. La première fois que j’ai visité le salon, c’était le 33ème, en mars 1982, la sélection avait été abandonnée, elle ne survivait plus que par ce qui faisait la spécificité du salon : ne pas exposer de peintres individuellement mais exposer des collectifs. Il restait cependant aux artistes la possibilité de s’affilier à des groupes suivant les vieilles distinctions Art Abstrait (groupe Expression abstraite) / Art Figuratif (groupe Figurations actuelles). Ces groupes semblant être considérés par le comité comme un sas avant que les individuels se regroupent en de nouveaux collectifs.
J’ai assisté, très jeune, j’avais vingt ans, à des assemblées telles les Etats Généraux des Arts Plastiques à la Maison des Arts de Créteil en novembre 1981, six mois après la victoire de la gauche aux élections. J’ai visité différents salons comme le salon de la Jeune peinture ou ses scissions, il y avait aussi un salon Jeune Peinture-Jeune Expression. C’est à ces occasions que j’ai perçu ce qu’avait dû être les discussions de l’après mai 68. Je n’y comprenais à peu près rien. On avait l’impression d’entendre de vieilles querelles, avant tout politiques, datant de dix ans ou vingt ans auparavant. Cet état d’esprit perdurait au Salon de la Jeune Peinture.
Une histoire familiale complexe fait que je n’ai pas étudié dans une école d’art. Aujourd’hui, et c’est probablement réaliste du point de vue de leur carrière, les jeunes qui veulent devenir artiste ont la volonté de passer par une école d’art. Je savais à peine que ces école existaient. Lycéen, si j’allais voir des expositions d’art et même d’art contemporain, l’idée de devenir peintre ne m’était pas apparue. Je ne fais pas partie de ces artistes qui se souviennent ne jamais avoir lâché le pinceau depuis la maternelle. J’ai d’abord aimé les oeuvres dans les livres, les musées et les galeries avant d’aimer peindre. J’imaginais les écoles d’art comme des lieux où l’on apprendrait à de jeunes artistes poussiéreux à peindre comme les impressionnistes, ce qui pour moi était la pire horreur. Certains anciens étudiants m’ont dit que je n’étais pas si éloigné de la réalité ; les écoles ont beaucoup changé dans la décennie qui a suivi. À la différence de ce qui se passe aujourd’hui où les jeunes artistes semblent très fiers de sortir d’une école d’art, les artistes que j’admirais n’y avaient pas toujours passé beaucoup de temps et en tout cas ne s’en faisaient pas une gloire. L’accent était davantage mis sur une rupture que sur une continuité.
J’avais, comme je l’ai écrit plus haut, décidé, l’année qui suivit le baccalauréat, de devenir peintre après avoir vu une exposition de Gérard Schlosser à la galerie Beaubourg. J’ai d’ailleurs fait des peintures vaguement, et bien maladroitement, influencées par Schlosser pendant quelques années. Je devais « gagner ma vie » et j’avais passé le concours d’entrée à l’École Normale d’instituteurs. Mon idée était, et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait presque toute ma vie, de travailler à temps partiel pour pouvoir peindre à peu près librement. Pendant ces années d’études, si on peut appeler cela ainsi, à l’École Normale d’instituteur de Bonneuil-sur-Marne, j’étais avec un groupe d’amis qui s’étaient retrouvés dans cette école, comme moi-même, un peu par hasard. Nous avions choisi l’option, puisqu’il fallait en choisir une en deuxième année, la plus éloignée qu’il était possible de l’enseignement : l’audiovisuel. Nous devions réaliser une sorte de journal télévisé et j’avais proposé un reportage au Salon de la Jeune Peinture. Un petit groupe s’est donc rendu, muni d’une caméra vidéo, un jour de mars 1982 au Grand Palais. Le salon, après avoir été persona non grata au Musée d’Art moderne et avoir subi une période d’errance, avait été accueilli pour la première fois sur les balcons du Grand Palais à Paris. J’avais rencontré la présidente du Salon, Concha Benedito, que j’avais interviewé ; le contact était pris. Comme j’avais perçu qu’il était de bon ton de former un collectif, j’avais proposé à un ami, Jean-Pierre Delay20, comme moi étudiant à l’ École Normale d’instituteurs, mais passionné par la BD et par le groupe Bazooka qui intervenait dans Libération, de former avec lui un groupe pour exposer au Salon de la jeune Peinture. Nous avions été admis, puisqu’il n’y avait pas vraiment de sélection, et avions exposé au 34ème salon de la jeune Peinture en 1983 et au 35ème en 1984.
Eric Dubuc était probablement dans une situation proche : il n’avait fait que passer une année ou deux à l’École des Beaux Arts de Paris à 18 ans. Il avait étudié la première année dans l’atelier d’Albert Zavaro21 qui n’était probablement pas le plus en vue ni le plus innovant dans une école de toute façon bien sage. Eric avait ensuite voyagé en Afrique et en Asie et était rentré en France atteint du paludisme. Expérience qui enrichit certainement davantage que quelques années rue Bonaparte.
Je ne suis entré au Comité du Salon de la Jeune Peinture qu’en 1986, c’est à dire que je n’ai pas participé à la sélection du travail d’Eric Dubuc pour sa première participation en 1985 avec L’Accident. J’ai dû découvrir l’oeuvre exposée au salon. Je ne me souviens que vaguement l’avoir regardée. Probablement l’oeuvre était-elle trop expressionniste et trop proche de la Figuration Libre à mes goûts. J’avais dû, pour ma part, exposer au Salon de 85 le tableau, aujourd’hui détruit, qui figure dans le catalogue22.
L’année qui a suivi l’exposition de L’Accident au Salon de la jeune Peinture, Eric Dubuc a radicalement fait évoluer son travail. Loin de poursuivre dans une veine qui était en résonance avec la Figuration libre, il s’est débarrassé de l’expressivité pour aller vers une peinture froide, objective, beaucoup plus proche de celle de la Neue Sachlichkeit23.
Je me souviens parfaitement de l’Autoportrait au bar exposé par Eric Dubuc au Salon de la Jeune Peinture de 1986. C’est un signe : je m’en souviens bien mieux que de ce que j’avais moi-même exposé au salon. Si j’en juge par la photo du catalogue, ce n’était, pas plus que ma participation de 85, mémorable, et le tableau n’existe plus non plus… Je crois me souvenir que la chaise visible dans le tableau existait réellement, je l’avais peinte et l’avais exposée avec une ou deux autres, devant le tableau, avec de longues baguettes de bois peintes de deux couleurs alternées. Ce travail en volume est peut-être l’idée la moins mauvaise de ma participation. L’Autoportrait au Bar d’Eric Dubuc, montre, dans la progression picturale même du tableau, son évolution. Si la partie haute du tableau, la rue, reste proche du traitement plastique expressionniste de L’Accident de l’année précédente, la partie centrale formant une oblique partant du couple de vieux à gauche et allant jusqu’au couple de jeunes en haut à droite est d’un style intermédiaire, tandis que le style « objectif » s’affirme nettement dans le triangle inférieur droit. La représentation du bar est très proche du tableau d’Erich Wegner, Wirtshaustheke24.
Plusieurs critiques ont souligné la précocité plastique d’Eric Dubuc25, ses propositions picturales étaient, alors que nous avions le même âge, bien plus fortes que les miennes.
Je ne sais comment Eric Dubuc avait appris la décision du CNAP de lui acheter l’Autoportrait au bar26. Les archives du CNAP ont dans le dossier d’achat une lettre d’Eric datée du 17 mars 1986 faisant état de la décision. Le salon de 1986 ayant eu lieu du 4 au 24 février, Eric a été prévenu rapidement de la décision du comité, moins d’un mois après la fin du salon. Je me souviens pourtant que sa mère, Helga Dubuc, m’avait dit qu’il avait attendu très longtemps le paiement du tableau. En effet, le règlement ne s’est fait que le 21 avril 1987, soit plus d’un an après la décision d’achat et plus de six mois après le suicide d’Eric. Devant cette succession de faits, je ne sais quoi penser. Aujourd’hui, il serait peu probable qu’une commission du CNAP se déplace à la Jeune Création27 pour acquérir une oeuvre. Pourtant, je retourne, irrégulièrement, à la Jeune Création et je n’ai jamais visité l’exposition sans que quelques artistes ne retiennent mon attention. Je ne sais s’il reste une part d’audace, de spontanéité, de choix personnel, dans les achats des commissions ; je l’espère mais je n’en suis pas sûr. La composition exacte de la commission qui a visité le salon et pris la décision d’acheter le travail d’Eric Dubuc est inconnue. Tout ce dont le CNAP dispose est la composition du Comité d’achat qui ne s’est assurément pas déplacé en totalité au salon. Je serais tenté de penser qu’un petit groupe, constitué peut-être seulement de trois ou quatre personnes, est venu. Qui a pris l’initiative de visiter le salon ? Il est probable que l’idée soit venue de Michel Troche, alors inspecteur général de la Création artistique et membre du Comité d’achat en tant que « personnalité ». Michel Troche avait été l’un des organisateurs du Salon de la Jeune Peinture de 1965 à 68, c’est à dire à la grande époque. Il avait dû garder une sympathie pour cette exposition28. S’est-il déplacé avec Gerald Gassiot-Talabot, Inspecteur général délégué adjoint aux Arts Plastiques, qu’il connaissait bien puisqu’ils avaient tous deux été actifs dans la promotion de la Figuration Narrative dans les années précédentes ? Ernest Pignon-Ernest, artiste invité à participer à la Commission et proche du même courant était-il aussi là ? Qui d’autre ? On ne peut, dans l’état actuel des connaissances, faire que des suppositions. Michel Troche est mort depuis plus de trente ans et Gerald Gassiot-Talabot depuis vingt…
J’ai déjà écrit que le Salon de la Jeune Peinture n’était pas au mieux de sa forme dans ces années 80. J’avais probablement été élu au comité parce que j’étais jeune, j’avais vingt-cinq ans ; moins que la moyenne des participants. Les sélections, ou l’absence de sélection des années précédentes ne convenaient plus. La qualité des travaux exposés était loin d’être satisfaisante. La moyenne d’âge était trop élevée, les jeunes artistes nous envoyaient trop rarement des dossiers de candidature. Ou alors, ils exposaient une fois et ne revenaient pas. Ils étaient probablement davantage tentés par l’idée d’exposer dans l’un de ces nouveaux Centres d’art qui ouvraient et avaient une image plus dynamique que le Salon de la Jeune Peinture. Le goût pour le collectif du Salon était éloigné de l’individualisme exacerbé de ces années. Le comité semblait fonctionner dans un entre-soi politisé alors que le marché de l’art se développait ; exposer en galerie devenait le but des jeunes artistes. Pourtant – mais qui en avait alors conscience ? – la désaffection pour les expositions de type « salon », a été le signe de la perte du pouvoir des artistes dans la sélection des plus doués, si ce mot a un sens en art. Bien sûr, les artistes se trompent aussi souvent, l’histoire de l’art le montre, mais les autres instances ne font pas mieux et même souvent pire. Hélas, depuis trente ans, les collectionneurs n’ont cessé de prendre du pouvoir. On comprend quelle idéologie justifie cela29. En France, les arts visuels ont longtemps été un produit d’exportation. Aujourd’hui qu’ils ne s’exportent plus, il reste les collectionneurs français, dont il faudrait peut-être interroger la médiocrité des choix et l’instinct grégaire.
Ma nostalgie d’une époque, que je n’ai pas connue, où le choix des artistes, qu’ils soient écrivains ou plasticiens, était déterminant, ne m’empêche pas de remarquer que le comité d’organisation du Salon de la Jeune Peinture, constitué de peintres, semblait être peu sensible aux transformations qui se passaient dans les arts visuels en ce milieu des années 80. Moi le premier : j’avais l’idée que renouveler le Salon de la Jeune Peinture c’était faire entrer au comité des artistes meilleurs et plus jeunes. Ce qui pour moi avait permis la grande époque du salon était que des artistes, parmi les plus intéressants de leur génération, y avaient participé. Je comprends des années après que je n’avais su prendre en compte ni le changement des mentalités ni les changements économiques. On croit être dans la réalité, mais on vit dans un rêve. Le travail d’organisation d’une exposition demande une investissement important et peu d’artistes veulent s’y consacrer. Les comités d’organisation peuvent facilement devenir des refuges pour des artistes de peu de talent. La période 60-75 est peut-être plus une exception qu’une règle.
J’avais remarqué le travail d’Eric Dubuc et j’avais l’intention de le contacter pour lui suggérer d’entrer au comité. Il y avait une réunion du comité du salon à l’automne 1986 ; ce devait probablement être fin septembre. Je ne sais plus si je prévoyais de proposer au comité de le contacter ou si j’attendais que la réunion soit passée pour le contacter moi-même. Je n’avais pas à l’époque la détestation du téléphone que j’ai aujourd’hui et j’aurais pu l’appeler facilement : son numéro figurait dans le catalogue de 1985 : Eric Dubuc, 18 rue des Gobelins 75013 Paris. 336 68 36, les numéros n’avaient alors que sept chiffres. On n’utilisait plus les trois premières lettres des centraux téléphoniques30 mais cela ressemble tout de même aujourd’hui à un roman de Modiano. Je n’ai pas appelé Eric Dubuc et je le regrette. À la réunion, je me souviens que la présidente du salon, qui avait changé depuis Concha Benedito, nous avait appris la nouvelle du suicide d’Eric Dubuc. Tout le monde était consterné mais je l’étais peut-être encore davantage. C’est probablement ce jour que nous avons décidé de rendre un hommage à Eric lors du 38ème salon qui aurait lieu en février 1987. Je proposai alors d’écrire un texte sur le travail d’Eric. Comme je tenais à ce qu’il soit accepté, j’écrivis un texte court qui fut publié dans le catalogue. Dans ce texte, je faisais le lien entre le travail d’Eric et la peinture allemande des années 20, celle de la Nouvelle Objectivité, que j’avais découverte à l’exposition Les Réalismes. Il y eut une rencontre avec la mère d’Eric, Madame Helga Dubuc. C’est alors que j’ai compris que mon intuition était confirmée par l’histoire familiale d’Eric : sa mère était allemande et la culture germanique était donc en partie la sienne. La mère d’Eric m’avait dit être née à Manheim ; cette ville était celle où Gustav Friedrich Hartlaub avait, en 1925, organisé l’exposition Neue Sachlichkeit.
Le 38ème salon, en 1987, organisa donc un hommage au travail d’Eric Dubuc qui comprenait son dernier tableau, un autoportrait31. Le tableau que j’exposai n’est pas celui du catalogue (encore un tableau sans intérêt qui n’existe plus) c’est un travail plus proche de certains portraits que j’allais peindre dans les cinq ans qui ont suivi32. J’aime imaginer qu’Eric l’aurait apprécié s’il l’avait vu. C’est le tableau le plus ancien que je montre encore sur mon site33. Je constate, en écrivant ces lignes, que, la même année, 1986, nous avons tous deux peint un autoportrait de profil. Le sien le montre dans son appartement de la rue des Gobelins, devant le monde vu de sa fenêtre. Comme l’indique Yves Cobra dans son texte, à la fois l’Hôtel de la Reine Blanche qui date de la Renaissance et les logements modernistes des années 70. Le mien, où je me présente assis sur le fauteuil que Marcel Breuer dessina pour Kandinsky au Bauhaus, devant un fond figurant la carte du monde. Une convergence posthume.
Je me souviens avec émotion de la période qui a suivi la rencontre avec la mère d’Eric Dubuc. Je sentais que cette histoire dépassait pour moi la mort d’un jeune artiste, si triste et tragique soit-elle. Cette histoire me touchait tout particulièrement. Je pense que la double nationalité d’Eric entre la France et l’Allemagne me rappelait ma propre situation entre la France et l’Angleterre. Je ne sais plus comment l’idée m’est venue, peut-être simplement parce que je voulais marquer l’événement et que j’avais les tableaux de la Nouvelle Objectivité en tête. Peut-être parce que quand on est artiste, tout est prétexte à faire des oeuvres. J’ai eu l’idée de proposer à Madame Dubuc de faire son portrait sous la forme d’un remake du Portrait de la journaliste Sylvia von Harden d’Otto Dix, chef d’oeuvre du peintre allemand, peint soixante ans plus tôt, qui se trouve dans les collections du Musée National d’Art Moderne au Centre Pompidou.
Je devais donc demander à Madame Dubuc d’accepter de poser pour la photographier. J’hésitais : cette dame, si aimable soit-elle, n’allait-elle pas être choquée par ma proposition ? Elle vivait une tragédie et j’avais l’impression de lui proposer une chose, grave pour moi, mais qui pouvait paraitre frivole. Pourtant, l’enjeu me semblait si important que j’osai lui écrire mon projet. À mon grand soulagement, elle me répondit très aimablement qu’elle acceptait. Elle vint chez moi, dans l’immeuble que j’habite toujours à Vincennes, et posa. Elle avait une jupe et un pull noir, les vêtements que l’on voit sur le tableau. J’ai toujours les diapositives qui m’avaient permis de dessiner le portrait. Je n’ai modifié que la couleur des chaussures. Je lui avais préparé la carte postale du tableau qu’elle connaissait d’ailleurs très bien. Je me souviens qu’en regardant l’image, elle remarqua que Sylvia Von Harden avait la jupe qui remontait plus haut que la sienne et, très naturellement, elle releva un peu le bord de sa jupe pour être plus proche du modèle. Je peignis le tableau dans les mois qui suivirent. J’ajoutai sur le mur du fond l’affiche de l’exposition Paris-Berlin que j’avais visitée au Centre Pompidou en 1978. Madame Dubuc me laissa un paquet de cigarettes allemandes Roth-Händle que je copiais sur le tableau. Je repris l’idée du porte cigarettes du tableau de Dix, sur lequel est écrit le nom Sylvia von Harden en peignant, dans un style proche du néoplasticisme, le nom Helga Hönig-Dubuc.
J’ai probablement terminé le portrait de Madame Dubuc à la fin de l’été 1987 et l’ai exposé au 39ème Salon de la Jeune Peinture en février 1988, au Grand Palais.
Dans les mois qui ont suivi, nous avions commencé à préparer le 40ème salon. Il y avait alors, comme c’est souvent le cas dans l’histoire de la Jeune Peinture, des tensions entre les membres du comité. Je n’avais pas renoncé à renouveler drastiquement le salon et une coalition commençait à se former pour prendre le pouvoir. Il avait été décidé qu’une exposition retrospective serait faite à l’occasion du 40ème salon. C’est là que les choix plastiques ont divisé le comité : certains, et c’était paradoxalement la direction, ne se sentaient pas à l’aise avec l’histoire du salon, d’autres, dont je faisais partie, voulaient au contraire réaffirmer ses spécificités, ou son histoire, et rendre hommage aux membres de la grande époque. Je me souviens que la présidente avait formulé une phrase alambiquée suggérant qu’une retrospective devait non seulement certes, exposer ceux qui avaient fait le salon mais aussi ceux que le salon avait oubliés… Voyant le vent tourner dans un sens que je déplorais, je m’étais proposé pour prendre contact avec les artistes historiques pour leur demander le prêt d’une oeuvre. J’avais contacté, avec plus ou moins de succès, les artistes que j’admirais toujours : Fromanger, qui avait été président du salon, Gérard Schlosser, mais aussi Bernard Rancillac, Henri Cueco, Valerio Adami, Jacques Monory, Fabio Rieti, et Erro. J’avais contacté aussi Peter Klasen qui m’avait dit qu’il croyait ne jamais avoir exposé à la Jeune Peinture, ce qui est possible34. Je n’en connaissais aucun personnellement ni ne connaissais personne qui eût pu m’aider à les contacter. Les archives du salon avaient dû disparaitre au cours des différentes querelles et scissions des comités successifs et nous ne possédions plus rien. Plusieurs étaient dans l’annuaire téléphonique – rappelons que nous sommes bien avant Internet – et nous avons finalement réussi à contacter la plupart, directement ou par l’intermédiaire de leurs galeries. Il faut aussi dire que la Figuration Narrative étaient, à cette époque, plutôt oubliée et négligée par la critique et par les institutions. Nous avions demandé aux artistes de nous prêter une oeuvre ancienne et une oeuvre récente. Nous n’avions cependant pas eu deux oeuvres de chaque artiste. Je me souviens que Louis Cane nous avait prêté une oeuvre ancienne dont le prix d’assurance m’avait semblé exorbitant. J’avais contacté Christian Boltanski qui m’avait dit que ce qui l’aurait éventuellement intéressé aurait été d’exposer les peintures qu’il faisait à l’époque de sa jeunesse quand il rêvait d’exposer au Salon de la Jeune Peinture. J’avais trouvé la proposition excellente mais il avait finalement préféré ne pas participer. Nous avions aussi eu, par la galerie Lelong, un prêt d’un grand tableau de Paul Rebeyrolle, considéré comme le fondateur du salon35. La liste imprimée dans le catalogue est inexacte ; plusieurs noms manquent et certains noms écrits dans la liste n’étaient pas présents. Je me souviens nettement avoir eu un prêt de Bernard Rancillac, un tableau de la série Cinémonde, qui n’est pas mentionné dans le catalogue. Le marchand de peinture Edouard Adam nous avait prêté un tableau d’Eduardo Arroyo. Nous avions aussi un Antonio Recalcati et la Galerie de France nous avait prêté un tableau de Gilles Aillaud : un phoque entouré de feuilles à la surface de l’eau. Je me souviens aussi d’un autre Aillaud, accroché sur les murs de l’appartement de Fabio Rieti qui nous avait prêté l’une de ces propres oeuvres des années 60. Peut-être aussi avions-nous eu un tableau de Peter Stampfli. Sergio Birga, ancien élève d’Otto Dix, nous avait confié son tableau Les chiens de garde36. Nous avions aussi une oeuvre de Malaval. Je crois avoir aussi contacté Jean Le Gac dont j’aimais le travail et qui avait exposé au salon en 65, mais ce fut, hélas, sans succès. La présidente, elle, avait fait d’autres choix… Elle nous avait même dégoté un immense tableau de Bernard Buffet et un Lorjou… Il est vrai qu’eux aussi avaient participé à la fondation du Salon. Je me souviens ne pas avoir été insensible à un tableau de Roger-Edgar Gillet.
Gérard Fromanger avait été le plus enthousiaste et le plus intéressé par ce que nous faisions. Il avait présidé le salon quelques années auparavant, dans les années 70. Je me souviens que, tout de même un peu inquiet de ce que nous allions faire avec ses tableaux37, il m’avait dit qu’il avait vécu dix ans de passion avec la Jeune Peinture et qu’il ne voulait pas que ce souvenir fut détruit par une expérience malheureuse. Nous avions apporté le catalogue du salon précédent, le 39ème salon, et Gérard Fromanger avait remarqué mon portrait d’Helga Dubuc sous la forme d’un remake du portrait de Sylvia von Harden par Otto Dix qui lui rappelait le travail de son ami Arroyo. Il m’avait dit qu’il participait à l’organisation d’une exposition près de Sienne, en Italie, là où il habitait une grande partie de l’année et m’encourageait à envoyer un dossier. La perspective m’enthousiasmait. J’étais touché qu’un artiste dont j’admirais le travail depuis ma visite à l’exposition Tout est allumé en 1980 s’intéressât au mien. J’avais depuis aussi vu l’exposition Chimère à la Galerie Isy Brachot38, qui était alors une galerie importante. J’avais aussi vu l’exposition Allegro39 qui montrait les tableaux qu’il avait peints dans sa chère Toscane, terre des étrusques. J’envoyais donc le dossier sans trop oser y croire. Quelques temps après, Gérard Fromanger me téléphona et m’annonça que j’avais été sélectionné. Je décidai d’exposer le Portrait d’Helga Dubuc ainsi qu’un ensemble de tableaux basés sur la forme de chaque état des USA.
Expédier des tableaux en Italie n’était pas chose si facile, surtout quand on peint sur bois ; on ne roule pas les panneaux comme une toile. J’ajoute que mes moyens financiers étaient alors des plus limités : j’étais toujours instituteur à mi-temps. L’état français a l’habitude de très mal payer ses enseignants alors une demi-paye d’instituteur n’est vraiment pas la richesse. Quant à ma peinture, je ne l’ai à peu près jamais vendue, non que j’y répugne mais parce que presque aucun collectionneur ne s’y est intéressé. L’insuccès commercial a des inconvénients mais c’est, aussi, une chance : on reste libre, et lucide. Je n’ai aussi jamais compris le plaisir, l’illusion de la reconnaissance, qu’éprouvent certains artistes à vendre leur travail. Pour moi, il y a une telle distance entre les raisons que l’on a de faire une oeuvre et les raisons qu’ont des collectionneurs de l’acheter qu’il y a toujours une double méprise dans la transaction.
Il y avait alors des contrôles douaniers entre la France et l’Italie. Je devais aller présenter mon tableau à la Douane Centrale près de la Place de la République à Paris. J’avais donc loué un camion avec chauffeur pour présenter le tableau à la douane. Je n’ai pas le permis B, je n’ai jamais eu que le permis moto. Une fois à la douane, je monte au bureau et l’employé me demande « vous avez apporté le tableau ? » Je lui dis oui, il est en bas dans le camion. Il me répond alors « Très bien ! » et me tamponne le document douanier sans descendre vérifier que le tableau est bien là… Il a fallu ensuite trouver un transporteur pour apporter les tableau en Italie. La toute dernière étape, à Serre di Rapolano, s’est faite sur une petite fourgonnette tricycle Vespa.
Je suis donc allé en Italie. Si j’oublie de petites excursions à Aosta lorsque j’étais enfant, c’était la première fois. Je vivais jusque-là entre la France et la Grande Bretagne. Je crois que l’Italie me faisait un peu peur. Ce fut un choc. J’ai pris le train de nuit qui existait à l’époque ; il me déposait à Florence le matin. Je disposais de quelques heures avant de prendre un autre train pour Sienne. Sortant de la gare, j’ai remonté au hasard la via Panzani et me suis retrouvé devant Santa Maria del Fiore. Je suis monté en haut du campanile de Giotto d’où j’ai vu la ville. Je me souviens de mon arrivée à Serre di Rapolano, village au Sud de Sienne, dans les Crete senese, où avait lieu l’exposition. J’avais fait du stop entre la gare en contrebas et le village situé en hauteur, comme souvent en Toscane. J’avais été pris par un énorme camion qui transportait le travertin, la pierre locale. Je tentais d’expliquer que j’allais à l’exposition d’art contemporain. Je doutais que le camionneur sache de quoi je parlais, pourtant, il semblait me dire qu’il irait à l’exposition. Je ne parlais pas italien et je n’étais pas sûr d’avoir bien compris, ou qu’il m’eut compris. Pourtant, le jour du vernissage, le camionneur était bien là… mais pas mes tableaux qui avaient été bloqués à la douane. Le premier mot italien que j’ai appris est dogana.
Heureusement, le jury ne se réunissait que quelques jours plus tard, et entre temps, mes tableaux avaient été libérés et le portrait de Helga Dubuc figurait bien dans l’exposition. Je trouvai curieux que ce tableau, construit sur les liens entre la France et l’Allemagne se retrouva en Italie. La monographie d’Eric Dubuc publiée par les éditions du Héron en 2007 s’ouvre sur deux autoportraits, le deuxième, page 7, m’intéresse particulièrement, L’Autoportrait au miroir de 1984. On y voit le reflet d’Eric, devant un crâne de cheval, une statue africaine et une reproduction du portrait de Sigismondo Malatesta de Piero della Francesca conservé au musée du Louvre. Eric n’était donc pas indifférent à la peinture italienne et son idée, deux ans après, de faire son autoportrait de profil vient probablement de là.
J’étais hébergé dans le village avec d’autres artistes français, Natacha Mégard et Vincent Moreno qui étudiaient aux Beaux-Arts d’Avignon. Fromanger, invité par Pierre Tilman, était allé dans cette école quelques mois plus tôt pour présenter son travail aux étudiants. C’est à l’occasion de cette exposition que j’ai rencontré de jeunes artistes italiens qui sont toujours des amis aujourd’hui. Le jury franco-italien, s’est réuni et a annoncé que j’avais obtenu le prix de la Grancia d’Argento40. J’ai quelques photos de ce moment avec Gérard Fromanger, Claude Mollard, qui présidait le jury, et Jean-Marie Drot, alors directeur de la Villa Médicis. Dans les trois années qui ont suivi, j’ai été invité à faire partie du jury, c’est ainsi que je me suis passionné pour l’Italie, la Toscane et la peinture siennoise. Plusieurs exposants au Salon de la Jeune Peinture que j’avais incités à envoyer un dossier de candidature ont exposé à Rapolano, certains obtenant le prix. Je ne peux m’empêcher de penser qu’Eric Dubuc aurait lui aussi pu recevoir ce prix. Hélas, cette exposition n’existe plus aujourd’hui. La ville a décidé de la remplacer par une calamiteuse « fête médiévale ». L’évolution des événements culturels, parfois leur disparition, ont un sens. Je crains que l’Italie ouverte que j’ai connue à la fin des années 80 ait été tuée par les années berlusconiennes.
Le portrait de Madame Helga Dubuc est particulièrement important pour moi, d’abord parce que c’est en le peignant que j’ai compris la peinture que je voulais faire : montrer, par des moyens plastiques, les liens entre des éléments hétérogènes. Dans ce cas, les liens entre la France et l’Allemagne. La rencontre avec la mère d’Eric Dubuc a été en cela déterminante. Le tableau est un hommage à Eric Dubuc, à sa mère, mais aussi à Otto Dix. Ce n’est pas une copie du tableau de Dix41, ni un pastiche puisque je ne copie pas le style du peintre allemand. J’utilisais le mot anglais remake42 qui me semble le plus juste, au sens où l’on parle de la deuxième version d’un film. Ce portrait est aussi le premier de mes travaux a avoir été apprécié, par Gérard Fromanger d’abord et par le jury du Premio Grancia en Italie ensuite. C’est enfin à l’occasion de cette exposition que j’ai découvert l’Italie, la Toscane et Sienne qui depuis me passionne. C’est la peinture siennoise du Trecento qui m’a ouvert à la forme du polyptyque, cette forme à la fois médiévale et moderne – les multiples pages qui s’ouvrent sur un écran d’ordinateur sont une sorte de polyptyque virtuel – qui convenait à mon projet. J’ajouterai que c’est avec ce tableau que s’est posé pour la première fois la question de l’intégration d’un texte dans le tableau. Le portrait était accompagné d’un panneau qui montrait les liens entre les différents lieux et oeuvres derrière le tableau43. J’étais intéressé par la question de savoir si les cartels accompagnant les oeuvres dans les musées pouvaient être considérés comme faisant partie de l’oeuvre. Ma réponse a été, dans les années qui ont suivi, d’intégrer ces textes, ces documents, ce tissu de relation, à l’oeuvre ; que le réseau devienne oeuvre44 ; la forme du polyptyque a permis cela. C’est en retournant l’année suivante, cette fois comme membre du jury, à Rapolano Terme que j’ai rencontré l’écrivain Alain Jouffroy45 invité par Gérard Fromanger à présider le jury en 1989. Alain, que j’ai revu dans les années qui ont suivi, avait, outre son travail de poète et d’écrivain, été un grand critique d’art ; il eut la gentillesse d’écrire un texte sur mon travail pour le catalogue du Salon de la Jeune peinture de 199046.
La famille d’Eric Dubuc a organisé plusieurs expositions de son travail. Une monographie a été publiée en 2007 aux éditions du Héron. J’ai souvent de mon côté parlé de ce travail remarquable, montré le livre. Les années 90 et 2000 n’étaient plus tournées vers la peinture et même ceux qui persistaient dans ce médium ne se sentaient pas concernés par des tableaux qu’ils n’avaient jamais vus. Eric Dubuc ne bénéficiait pas d’un tissu de relations, anciens professeurs, critiques d’art, conservateurs, collectionneurs, marchands, qui auraient pu promouvoir son travail. Qui a visité le salon de la Jeune Peinture en 1985 et 86 ?… Pas grand monde. Au milieu des années 80, il n’attirait pas beaucoup les critiques. L’emballage de l’art, c’est à dire le lieu où il est montré, qui en a parlé, est hélas déterminant dans l’appréciation du public. Je ne sais qui a dit qu’en France, on jugeait la musique avec les yeux et la peinture avec les oreilles… Depuis quarante ans que je fréquente, un peu, ce milieu, il est rare que je rencontre des gens qui ont des convictions esthétiques ; je précise : qu’elles soient bonnes ou pas n’est pas ici la question47, et je crains qu’il ne s’agisse pas de la beauté d’indifférence de mon cher Duchamp. Par ailleurs, qui s’engagerait dans une oeuvre limitée à quelques dizaines de dessins et une quinzaine de peintures ?
On ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui se serait passé si Eric Dubuc n’était pas mort en 1986. On ne peut savoir ce qu’il aurait fait, mais s’il avait continué à peindre, il se serait confronté à la difficulté qu’a connue la génération de peintres apparue au début des années 90. Pourquoi peignez-vous encore ? nous demandait-on. Peu de peintres ont été visibles pendant vingt ans et ceux qui l’ont été n’étaient peut-être pas toujours les meilleurs. L’intérêt nouveau pour la peinture a certainement facilité l’intérêt pour le travail d’Eric.
J’avais conseillé à Madame Dubuc de contacter Jean Clair, qui, alors qu’il était conservateur au Centre Pompidou48, avait organisé l’exposition Les Réalismes49 qui nous avait tant marqués, Eric et moi. Il semble que le conservateur soit venu voir les tableaux le 25 avril 198850. Madame Dubuc m’avait dit que ses conseils s’étaient limités à proposer d’intervenir pour que le tableau soit exposé, je ne sais dans quel cadre, dans la mairie d’un arrondissement parisien51. Cécile, la soeur d’Eric, se souvient que sa mère lui avait dit que Jean Clair avait regretté que l’oeuvre ne soit pas plus abondante. On peut supposer que le pessimisme de Jean Clair au sujet de l’art contemporain aurait pu être ébranlé par la force d’une telle oeuvre, même limitée à quelques peintures. On préfère parfois tenir à ses idées qu’aux faits. Dommage, parce que Jean Clair, avait été l’auteur du livre dont j’ai parlé au début de ce texte, L’Art Actuel en France qui était une présentation de beaucoup des artistes de l’art contemporain qui ont marqué les années 60-70.
Les grandes expositions marquent des générations. Pour se limiter aux expositions du Centre Pompidou, il y eut ensuite Les Magiciens de la terre en 1989, Hors Limites en 1994, Elles en 2009, Modernités Plurielles en 2013… L’exposition Les Réalismes qui nous avait marqués était bien oubliée.
Je regrette que ce ne soit qu’après la mort d’Eric, avec un recul de quarante ans, que la force de l’Autoportrait au Bar soit reconnue comme un témoignage des plus forts de cette époque post-punk qu’était le début des années 8052. Que s’est-il passé ?
En 2022, Cécile Dubuc, soeur d’Eric, et son père décident, pour que l’oeuvre soit connue, de faire une donation à une institution. Ils contactent le CNAP qui, ne pouvant accueillir des donations d’artistes décédés depuis plus de trente ans, leur conseille de contacter Fabrice Hergott au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Cécile propose donc au musée un don d’oeuvres de son frère. Le musée fera l’acquisition de dessins et de l’Autoportrait de profil, dernière oeuvre peinte d’Eric. À l’occasion de la commission d’acquisition Anne-Laure Sol, conservatrice pour les peintures au Musée Carnavalet, découvre l’oeuvre d’Eric Dubuc et particulièrement L’Autoportrait au bar. Elle travaille justement à l’organisation d’une exposition Nuits Parisiennes de 1977 à nos jours, qui aura lieu entre janvier 2023 et mars 2024 au Musée Carnavalet. L’Autoportrait au bar sera emprunté au CNAP pour figurer dans l’exposition. C’est la première fois, depuis l’hommage rendu par le Salon de la Jeune Peinture en 1987, que le tableau est exposé53. En plus, le musée décide l’acquisition du tableau Le Métro.
En mai 2023 le Macval54 à Vitry-sur-Seine présente l’accrochage d’une douzaine d’oeuvres d’Eric Dubuc, dont L’Accident, que le musée est en train d’acquérir. Nicolas Surlapierre, directeur du Macval, a connu très tôt le travail d’Eric, dès les années 1995-96, alors que, préparant une maîtrise sur la redécouverte en France de la Nouvelle Objectivité, il cherche des informations sur l’artiste Karl Hubbuch55. Une simple erreur dactylographique associée aux hasards, ici bien objectifs, des algorithmes des moteurs de recherche, fait que le travail d’Eric Dubuc est apparu sur l’écran. Quand, en 2022 Cécile Dubuc propose au Musée d’Art Moderne et contemporain de Strasbourg des dessins de son frère, Nicolas Surlapierre, alors conservateur au Musée des Beaux-Arts de Besançon, fait partie de la commission d’acquisition et peut témoigner de la qualité du travail d’Eric dont les images, vues vingt-cinq ans auparavant, l’ont marqué au point qu’il se souvienne clairement du travail. Estelle Pietrzyk, directrice du musée fait part à Cécile Dubuc de l’intérêt de Nicolas Surlapierre pour le travail d’Eric. Cécile contacte alors le conservateur de Besançon qui est sur le point de prendre la direction du Macval. Le Macval possède une riche collection de peinture figurative des années 60-7056 mais est pauvre dans ce domaine à partir des années 80-90. La présence du travail d’Eric Dubuc est donc pertinente pour l’enrichissement des collections. On mesure à quel point l’existence d’une oeuvre est fragile : que se serait-il passé si Nicolas Surlapierre, familier de l’oeuvre, n’avait pas été dans cette commission d’acquisition ? Les optimistes diront que la qualité d’une oeuvre finit par s’imposer. Je n’en suis pas sûr et même si on le croit, le jugement de l’histoire est plus lent qu’une existence humaine, surtout si elle est courte.
Du 17 mai au 18 novembre 2024, le Musée d’Art Moderne de Paris a organisé, conjointement, deux expositions : Daniel Pommereulle et Eric Dubuc. On ne peut que remarquer que les collectionneurs ne se sont jamais intéressés au travail d’Eric, ce sont les institutions, CNAP, Musées d’Art Moderne de Paris, Musée Carnavalet, Musée d’Art Moderne de Strasbourg, Musée d’Art Contemporain du Val de Marne, qui ont, même si cela a été parfois tardif, joué leur rôle. Soulignons aussi l’obstination de la famille d’Eric, sa mère, son père et surtout sa soeur : sans Cécile Dubuc, le travail d’Eric serait probablement resté dans l’oubli.
Cécile m’a invité au vernissage de l’exposition du Musée d’Art Moderne de Paris. C’est une impression étrange de voir, exposé dans les salles du musée, le travail d’un artiste que l’on n’a plus vu depuis trente six ans mais que l’on a pourtant gardé en soi tout ce temps. Je devais être l’une des rares personnes ayant un lien avec les deux groupes. Je n’ai pas connu Daniel Pommereulle mais je me souviens avoir entendu Alain Jouffroy en parler et avoir lu certains textes de lui sur l’artiste57. Au vernissage, je retrouvai Fusako, la femme d’Alain et Cécile, la soeur d’Eric. Pour moi qui aime travailler sur les liens entre les choses, il y avait, ce jeudi 16 mai 2024, comme la révélation d’un ordonnancement souterrain, underground.
Anthony Freestone
été 2024
1 Gérard Fromanger, Tout est allumé, Centre Pompidou, du 16 janvier au 10 mars 1980
2 Gérard Schlosser, Peintures 1978, Galerie Beaubourg, du 13 décembre 1978 au 20 janvier 1979. J’étais passé devant la galerie en sortant du métro Hôtel de Ville en allant au Centre Pompidou.
3 Ce texte est écrit en 2024, avant les travaux de transformation du centre Pompidou.
4 Jean Clair, L’Art en France, Une nouvelle génération, Chêne, 1972 et 1979.
5 Anne Tronche et Hervé Gloaguen, L’Art actuel en France, du Cinétisme à l’Hyperréalisme, éditions André Balland, 1973. Ce n’est qu’en 1986 que Larousse publia 25 ans d’art en France 1960-85.
6 Tendances de l’art en France 1968-78, 2, Les partis-pris de Gérald Gassiot-Talabot, ARC, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1979
7 Mythologies Quotidiennes 2, ARC, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1977, une exposition organisée par Gerald Gassiot-Talabot, Jean-Louis Pradel, Bernard Rancillac et Hervé Télémaque.
8 Collectif, 25 ans d’Art en France 1960-1985, Larousse 1986. L’article sur la Figuration Narrative, Le Renouveau de la Figuration : éléments d’histoire, écrit par Jean-Louis Pradel, autre critique attaché au mouvement, comporte un chapitre sur le Salon de la Jeune Peinture, p.117-124.
9 Les Réalismes, entre Révolution et Réaction, Centre Pompidou, du 17 décembre 80 au 20 avril 1981
10 Marcel Duchamp, 2 février – 2 mai 1977. Exposition vue par 92 000 visiteurs en 76 jours soit 1 210 visiteurs par jour. L’exposition Marcel Duchamp. La Peinture, même, en 2014 recevra près de 360 000 visiteurs soit une moyenne de 3 986 visiteurs par jour. On mesure l’évolution de la réception de l’art contemporain dans le public. Il n’est pas sûr que la nature de cette réception aille dans le sens d’une réconciliation de l’art et du public, pour reprendre, en la modifiant, la phrase énigmatique d’Apollinaire à propos de Duchamp. Le succès, de nature commerciale, des oeuvres, quelles que soient leurs formes, fait plutôt craindre que le malentendu soit resté le même.
11 Archéologie de la ville, 2 février – 7 mars 1977. Plus personne ne semble se souvenir de cette exposition alors qu’elle a probablement marqué Christian Boltanski. Le site du centre Pompidou la présente ainsi : Cette exposition propose une découverte de la ville contemporaine à travers ses objets quotidiens, plongeant le visiteur dans une dimension archéologique et utopique. Produite et présentée par le CCI, elle est conçue et réalisée par Haus Rucker Incorporated qui est un collectif de plusieurs artistes et architectes autrichiens, américains et français.
12 Edward Lucie-Smith, Art Today, Phaidon, et sa traduction en français : L’Art d’Aujourd’hui, Nathan, 1977
13 Dans une interview avec Raymond Perrot en février 1987, Helga Dubuc précise : Il a dû voir comme nous, fin 80 – début 81, l’exposition des « Réalismes », à Beaubourg. Il y avait des artistes comme Toorop, Beckmann, Otto Dix, Schad, qui ont pu lui apporter cette dureté de dessin et de regard au moment-même où il se décidait pour certaines formes et certains thèmes.
14 Paris Berlin, Rapports et Contrastes France – Allemagne 1900 – 1933, Centre Pompidou, 12 Juillet – 6 novembre 1978.
15 J’allais souvent en Grande Bretagne dans les années 80-90 et je connaissais, et aimais, aussi le pop-art anglais qui n’intéressait pas les Français. Il y a, depuis, eu un engouement en France pour David Hockney mais quand j’en parlais dans les années 80, l’ignorance était grande, on ne connaissait que les piscines, et l’attitude des artistes un peu méprisante. Le travail remarquable de Peter Blake est, toujours aujourd’hui, mal connu des Français. Richard Hamilton l’est davantage, par ses travaux avec Duchamp.
16 Ateliers 81/82 ; Musee d’Art Moderne de la Ville de Paris ARC – 1 du 27 novembre 1981 au 3 janvier 1982 et 2 : 14 janvier au 21 février 1982
17 Figuration Libre France USA, ARC, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du 20 décembre 1984 au 17 février 1985. Les artistes de la Figuration Libre, qui ont connu le succès très tôt avaient moins de cinq ans de plus que nous.
18 Pour être précis, après avoir protesté contre une récupération par la droite de la création contemporaine lors de l’exposition Douze ans d’art contemporain en France, dite « expo Pompidou » (Grand Palais du 17 mai au 18 septembre 1972) la gauche avait regretté que l’état s’en désengageât sous la présidence de Giscard d’Estaing. La deuxième analyse étant probablement plus juste que la première.
19 Pour une histoire du salon : Francis Parent et Raymond Perrot, Le Salon de la jeune Peinture, Une Histoire, 1950-83, éditions Jeune Peinture, 1983 ; réédition en 2016 éditions Patou.
20 J’ai peint en 1988, un portrait de Jean-Pierre, Portrait de Jean-Pierre Delay sous la forme d’un remake du tableau de Lucian Freud Interior in Paddington, qui a été exposé en 89 au Salon de la Jeune Peinture et qui est visible sur mon site. J’avais vu le tableau de L. Freud à Liverpool quelques années avant. À la mort de Jean-Pierre, une de ses grandes amies a fait un blog à sa mémoire ; j’y ai écrit, en 2011, un petit texte de souvenirs de notre collaboration dans les années 80.
21 Il sera chef d’atelier à l’ENSBA de 1971 à 90. cf. Émilie Verger, L’enseignement aux beaux-Arts de Paris de 1960 à 2000, Une histoire d’artistes, revue Marge, Presses Universitaires de Vincennes, 2020
22 C’est à l’occasion de cette exposition que j’avais, pour la première fois, reçu une lettre d’un visiteur qui avait remarqué mon travail, Stéphane Corréard, qui devait, à l’époque, avoir à peine dix-huit ans ; il a eu depuis un rôle très original dans la création en France. Cet épisode est évoqué par Stéphane Corréard dans le livre d’Anne Martin-Fugier, Collectionneurs, Actes Sud, 2012, p.199. Stéphane Corréard avait créé la galerie Météo dans les années 90, l’une des jeunes galeries les plus intéressantes de l’époque. Il s’est, plus tard, occupé du Salon de Montrouge, et, là encore, avait fait un travail d’investigation remarquable.
23 Une lettre d’Eric Dubuc, du 18 août 1986, adressée à une galeriste, expliquant « pourquoi j’en suis venu à un style plus réaliste », est reproduite dans la monographie de 2007 parue aux Éditions du Héron.
24 Comptoir d’auberge c. 1927, conservé au Von der Heydt Museum à Wuppertal. On pourrait aussi évoquer les natures mortes de Hans Mertens des mêmes années. Manheim et Wuppertal sont éloignées de 300 km, on ne sait si Eric Dubuc a visité les collections du musée Von der Heydt.
25 Yves Kobry, dans la monographie publiée aux éditions du Héron en 2007 et le Musée d’Art Moderne de Paris lors de l’exposition en 2024. La présentation de l’exposition au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris fait cette même remarque.
26 Helga Dubuc, dans son interview par Raymond Perrot dit : Puis il a attendu le moment du salon, en février 86, parce qu’il avait beaucoup investi dans le grand tableau du Bar. Eric avait cette façon de tout mettre dans une grande chose avec un vide ensuite. Pendant la durée du salon, il a déprimé de jour en jour. C’est seulement le dernier jour, alors qu’il décrochait, qu’il a appris que l’Etat désirait lui acheter le Bar. S’il l’avait su plus tôt, il n’aurait pas atteint un désespoir aussi profond. C’est donc probablement les organisateurs du salon qui, informés, lui ont dit la décision de la commission du CNAP qui avait visité le salon. On ne sait quand la décision lui a officiellement été signifiée.
27 La Jeune Peinture a choisi de changer de nom pour Jeune Création en 1999.
28 Le livre Le Salon de la jeune Peinture, Une Histoire, présente, p. 234 une photographie de Michel Troche et Claude Mollard visitant le salon de 1983.
29 S’il faut absolument faire l’éloge des collectionneurs, je propose de mettre l’accent sur la part des revenus dévolue à l’achat d’oeuvre d’art plutôt que les sommes brutes. Je ne suis pas sûr que les grandes fortunes dépensent, dans ce qu’elles prétendent être du mécénat, proportionnellement plus que beaucoup d’inconnus dont on ne parle jamais. J’estime aussi davantage les conservateurs de musées, qui font souvent un travail remarquable, qui ont une vraie culture artistique, et qui sont à peu près aussi mal payés que les enseignants.
30 Le 336 correspondait à DENfert-Rochereau rattaché aux central des Gobelins.
31 Eric Dubuc, Autoportrait de profil, 1986, don de la famille de l’artiste au Musée d’Art Moderne de Paris
32 L’autoportrait est A Dictionary of Modern War, 1986. Dans la même série, je peindrai le Portrait de Jean-Pierre Delay sous la forme d’un remake d’Interrior in Paddington de Lucian Freud (1988), le Portrait de Louis Seye en 1989 et L’Afrique Fantôme en 1993. Un autre autoportrait, sous la forme d’un remake de l’autoportrait d’Anton Räderscheidt n’existe plus. J’avais aussi eu le projet de faire le portrait d’une amie, Mary Lynn Riley sous la forme d’un remake du tableau de William Strang, Lady with a red hat.
33 Pour être exact, il y en a un antérieur, une nature morte qui date de 1983 à l’époque où j’exposais avec Jean-Pierre Delay au salon de la Jeune Peinture dans ce groupe que nous avions appelé, pour nous moquer de l’esprit post-soixante-huitard du salon, Tradition et Modernité. Nous aimions bien la provocation…
34 Lors de cette conversation, il m’avait parlé de son oncle, Karl Christian Klasen, peintre, qui avait été l’élève d’Otto Dix. Il évoque cette filiation dans un entretien avec Julie Sissia.
35 Je crois me souvenir que c’est Daniel Lelong lui même qui nous avait prêté le tableau et m’avait dit que pour lui, Rebeyrolle était l’égal de Francis Bacon.
36 Tableau exposé à Octobre 69 : Manifestation au service du peuple, tentative de créer une « contre biennale de Paris ». cf. F. Parent et R. Perrot, Le Salon de la Jeune Peinture, 1950-1983, éditions Jeune Peinture, 1983, p. 100-101.
37 Fromanger nous avait prêté, comme nous le souhaitions, un tableau ancien de la série Le Prince de Hombourg, qu’il avait exposé au Salon de la Jeune Peinture de 1965 et un tableau récent, si mes souvenirs sont bons, de la série Cythère Ville Nouvelle.
38 Gérard Fromanger, Chimères, Galerie Isy Brachot, Paris, 6 novembre – 14 décembre 1985.
39 Gérard Fromanger, Allegro, galerie ABCD, Paris, 18 mai – 10 Juillet 1983.
40 Le Portrait de Madame Helga Dubuc sous la forme d’un remake du portrait de Sylvia Von Harden d’Otto Dix se trouve aujourd’hui exposé dans la mairie de Rapolano Terme près de Sienne, ville dont dépend le village de Serre di Rapolano où l’exposition, la Grancia d’Argento, avait lieu. Très près de Rapolano Terme la ville d’Asciano possède l’un des plus merveilleux petits musées d’Italie, au Palazzo Corboli, où sont exposés deux chefs d’oeuvre de l’art siennois : le Saint Michel terrassant de dragon d’Ambrogio Lorenzetti et la Naissance de la Vierge de Sano di Pietro.
41 Je n’adopterai la forme de la copie de document, qu’à partir de 1990 et surtout, via l’image tramée, que dans les années suivantes.
42 cf. note 28.
43 Je faisais ainsi le lien entre le Bar d’Eric Dubuc et le tableau de 1930 de l’artiste anglais Edward Burra, injustement méconnu en France, The Snack bar, conservé à la Tate Gallery. Ce panneau-collage a été, je l’espère, conservé par la ville mais n’était pas présenté à côté du tableau quand je suis, en 2018, retourné à Rapolano Terme.
44 D’où l’évolution plus « conceptuelle » de mon travail à partir de 94, jusqu’à mon travail récent sur la copie de schémas en 2019.
45 Alain Jouffroy a peut-être été l’un des derniers écrivains passionnés par les arts visuels de son temps.
46 J’exposais le triptyque Portrait de Louis Seye sous l’uniforme du 1er régiment de tirailleurs sénégalais, 1989.
47 Je ne suis pas loin de penser que c’est l’arbitraire d’une sélection, devenant une norme acceptée, qui fait l’histoire de l’art. L’arbitraire étant souvent déterminée par un contexte économique. Qu’est-ce qui peut justifier qu’au XVème siècle, l’art siennois soit passé au second plan au profit de Florence si ce n’est, après la peste noire, la prédominance économique de cette dernière ? Il se peut que les choix des puissants d’aujourd’hui deviennent norme et que dans l’avenir, on considère vraiment Xavier Veilhan comme un grand artiste. En matière d’art, tout est possible, même le plus improbable.
48 Gérard Régnier.
49 Gérard Régnier (Jean Clair) a, avant tout, été, avec Pontus Hulten et Ulf Linde, l’organisateur de l’exposition L’Oeuvre de Marcel Duchamp à l’ouverture du Centre Pompidou en 1977, et, plus tard, Balthus (1983) et Vienne (1986) pour se limiter aux expositions qu’Eric a pu voir.
50 Lettre d’Helga Dubuc du 18 avril.
51 Madame Helga Dubuc m’écrivait le 1er septembre 1990 : « L’exposition de la Mairie du 1er Arrdt ne s’est pas faite. Le travail d’Eric ne convenait pas dans cette mairie et malgré l’appui que j’avais, ils ont finalement refusé. »
52 Pourtant, dès février 1987, au cours de son interview de la mère d’Eric, Raymond Perrot remarquait déjà : L’Etat ne s’est pas trompé quand il a acheté Le Bar pour un tableau abouti, une oeuvre représentative d’un artiste et d’une époque.
53 Pour être précis, il y eut, en 2008, à l’occasion de la publication de la monographie aux Éditions du Héron, une petite exposition du Bar à Romainville.
54 Le Macval (Musée d’Art Contemporain du Val de Marne) à Vitry-sur-Seine, recueille la collection d’art contemporain du département du Val-de-Marne qui avait, dès 1982, été l’un des rares départements à constituer un Fonds Départemental d’Art Contemporain (FDAC) sur le modèle des Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC) ; Raoul-Jean Moulin, ancien critique d’art de L’Humanité, en était le premier directeur du FDAC.
55 Karl Hubbuch, dessinateur et peintre allemand, l’un des grands noms de la Nouvelle Objectivité avec Christian Schad et Ottto Dix. L’une de ses oeuvres les plus connues est le Double Portrait de Hilde (c. 1927-29) conservé au musée Thyssen-Bornemisza de Madrid. Ce tableau faisait partie des expositions du Centre Pompidou Les Réalismes et Allemagne Années 20 Nouvelle Objectivité en 2022.
56 Collection réunie par Raoul-Jean Moulin pour le Fonds Départemental d’Art Contemporain du Val de Marne, riche en artistes de la Figuration Narrative : Adami, Monory, Klasen, Rancillac, Télémaque…
57 Je pense au livre Pour Daniel Pommereulle, publié par les Éditions Impeccables en 2013 qui présente ses oeuvres et réunit des textes de différents auteurs dont Alain Jouffroy mais aussi, M. Abbou, H-A Baatsch, J-C Bailly, C. Bouillé, M. Bulteau, J. Dyck, J-P Domecq, L. Hees (directeur de la publication), J. Raynal, A. Martin, J. Monory, E. Rohmer, P. Sergent, P. Trigano et A. Tronche.